Non, nous ne voulons pas de la Turquie en Europe, la France et les français se sont clairement exprimés sur le sujet. Le pourquoi de cette volonté de faire de la Thrace la frontière orientale de l’UE n’a que peu d’importance dans la réflexion qui suit. Il s’agit plutôt d’en analyser les premières conséquences sur la politique étrangère turque.
La Turquie est à cheval entre le monde occidental et l’Asie, ce qui donne à l’Asie Mineure une position géostratégique évidente depuis la plus haute antiquité. Ce territoire étant certes un pont entre deux espaces de civilisation mais aussi la porte vers le monde pour la Flotte Russe de la Mer Noire. Ce qui en a fait un membre de l’OTAN, c’est aussi pour ces raisons que les USA rêvent de voir ce pays arrimé à l’Union Européenne et donc au clan occidental.
L’assaut mené par les commandos de la Marine israëlienne sur un navire turc qui tentait de forcer le blocus de Gaza est un fait étonnant. La Turquie étant considérée comme une alliée proche de l’Etat Hébreu. On pouvait penser que ce navire n’aurait jamais dû pouvoir quitter la Turquie avec un tel objectif et encore moins imaginer la mort de citoyen turc. A vrai dire, le milieu diplomatique constate une volonté de plus en plus évidente du gouvernement Erdogan, certes de prendre ses distances avec Israël, mais surtout de recouvrer les traditions Ottomanes en matière de politique étrangère. Par Ottomane, il faut entendre un équilibre Occident/Orient moins polarisé. Le retour de la Sublime Porte aux Proches-Orient en tant que puissance musulmane et régionale avec une position plus indépendante vis-à-vis de l’Europe et de l’Occident me parait être la tendance des années à venir. Cela sans nul doute causé et accéléré du fait que l’intégration dans l’Union Européenne s’avèrera de plus en plus hasardeuse.
D’ailleurs quelle sera l’évolution des relations de Constantinople avec Damas et l’héréditaire adversaire Perse ? Il est intéressant de voir Téhéran envoyer 2 navires sous l’étendard du Croissant Rouge pour forcer le blocus de Gaza, le sang turc ayant été versé dans ce combat hautement symbolique lors d’une action inédite risquerait-il de faire de l’ombre en la matière à la « diplomatie » iranienne?
Le tout est que cet évènement marque une nouvelle fracture dans le déroulé de ce conflit vieux de 60 ans qui concentre en son sein toutes les luttes d’influence. Qui tire les ficelles ? Beaucoup de monde. Mais un navire a put partir de Turquie pays membre de l’OTAN et allié d’Israël pour mener cette opération et des turcs y ont laissés leur vie, c’est le fait qu’il faut conserver en mémoire.
Il faudra suivre la suite des évènements avec attention car les évolutions de ce bord de méditerrané va nous réserver, encore, quelques surprises. Quelle position pour la Turquie que ce soit sur la question palestinienne, sur l’Europe mais surtout avec l’air que pourrait donner cette politique à la répression des Kurdes du PKK. De même, fait intéressant, quand on sait que l’armée garante de la laïcité a vu sa position affaiblit par les demandes de l’Europe cela n’est-il pas le double tranchant de cette politique pour le gouvernement de l’islamiste modéré Erdogan ? Et biensûr quid de la position américaine?
A bientôt.
Grégory Sansoz