Notre village, Perrache, est une île bordée par Rhône et Saône et fermée au nord par une épaisse muraille qui renforce notre caractère îlien. Ici on dit que tout le monde y peut pas être perrachois. Dernièrement, nous avons vécu de grands changements. Notre village s’est étendu, on a crée des polders gagnés sur un océan de friche. Si il y a à redire sur l’urbanisme, la concertation, les idées, les transports, l’accessibilité, l’évolution est toujours une bonne chose. Le progrès est dans le mouvement. Alors bougeons.
Notre village, c’est un port où les gens de Saint Etienne et du sud accostent. Et comme dans tous ports, la vie y a toujours été animée, parfois sulfureuse. Dans le port de Perrache, il y a des marins qui dansent et qui se perdent dans des commerces interdits. Perrache est le vrai village de Lyon, tout le monde s’y dit bonjour le matin en se croisant, on y joue aux boules sur la place du village où trône l’église. Il y a de la vie, de la fierté et des amitiés fortes. Nous aimons notre vie de village.
On a cru que les choses changeraient toujours en mieux avec ces polders mais aujourd’hui Perrache est de nouveau à la confluence du pire et du meilleur. Car depuis le fin de l’été, à 100 mètres de chez nous, une prostituée de 17 ans se fait poignarder répandant son sang dans les rues de notre village. À 100 mètres de chez nous, on se prostitue en utilisant les toilettes publiques comme maison de passe. Sur la place de notre village, la prostituée s’expose aux cotés des jeux d’enfant qu’elle a quittée hier. À 100 mètres de chez nous, on y trafique sans discrétion de la drogue. Votre voisin, si ce n’est vous, excédés, avez pris pour habitude d’avoir un seau d’eau près de la fenêtre pour calmer les esclandres nocturnes. À 100 mètres de chez nous, le hall d’un hôtel est ravagé par un duo de vandales. À 100 mètres de chez nous, un homme ivre mort dans la rue perd l’esprit. À 100 mètres de chez nous, il y a eu tant de détresse sur la Place Carnot puis sous un pont, puis… Que les points d’eau de la Place des Archives servent de lavoir, mais aussi d’accès de première nécessité à l’eau à des centaines de personnes.
Chez nous, il y a de la détresse, de la colère, de l’inquiétude mais aussi l’envi d’avoir confiance en l’avenir. Nous aimons notre village. Nous refusons de le voir prendre le chemin du pire quand le meilleur est possible. Notre caractère îlien est notre force pour réussir ensemble à redresser la barre. Je ne supporte plus la nonchalance de ceux qui pensent qu’un nouveau programme à l’architecture innovante va changer le village et sauver le commerce. Ces polders que l’on nomme la Confluence ne sont pas épargnés par ces méfaits. C’est là qu’un incendiaire a œuvré jusqu’à il y a peu. Et la drogue et la prostitution n’y sont pas absentes. Ici, le vivre ensemble n’est pas aussi évident que dans le vieux village.
Je désespère d’entendre qu’une maison de la danse digne de l’Opéra de Sydney est la solution à nos problèmes. Maison de la Danse que nous avons l’impression de voler aux gens de 8ème, nous ne sommes pas de ces gens qui aiment déshabiller Pierre pour habiller Gérard. Tout cela ne fera pas ralentir le pas des promeneurs à la nuit tombée ni n’améliora l’accessibilité et la circulation.
A Perrache, comme à Lyon, remettons l’Homme au centre de la politique. Perrache et Confluence ont besoin de sécurité, de cohésion et d’un élan vers une meilleure qualité de vie pour leurs habitants.
A bientôt.
Grégory Sansoz